Au premier regard, les dessins d’Anne-Marie Schneider montrés au Macs peuvent être apparentés à l’art brut même si par bribes le visiteur apercevra des passerelles jetées ci et la : pour la forme je pense aux caricaturistes de BD adultes si on se réfère à la crudité de ses gestes érotiques ou même pourquoi pas quelques accents de Walter Swenen dans la structuration minimaliste et instinctive des couleurs. Le premier étonnement qui nous vient a l’esprit est lié à l’intensité du trait, lié à l’urgence jubilatoire du « faire » comme si l’artiste expulsait, accouchait par pulsions convulsives ses états d’âmes. On pourrait presque parler de nouvelles naissances tant l’impulsivité du geste créateur semble s’inscrire dans la spontanéité. Sans pudeur ni retenue, c’est à une véritable mise à nu d’un être au monde qui est présenté sous nos yeux.
Ses dessins, souvent conçus, comme des petites saynètes de vie, fonctionnent par thèmes : la famille, le sexe, la société, la maison, la relation du corps à l’espace et du visage au corps, aux objets. Sa vision est de type holistique. Chez elle, les projections sont multiples et reliées au monde: le visage se métamorphose en corps, en théière, en assiette, … Les sujets comme l’humour, le sexe, la violence (attentats terroristes), s’entremêlent. Projections d’un vécu réparateur, ses dessins que l’on peut interpréter comme des petits rituels libérateurs sont là pour maintenir l’édifice en place, rétablir une certaine harmonie. Réparer les déchirures de la vie avant que la maison corps ne se désagrège ou ne se disloque. Pour l’occasion le MAC’s a pensé à une scénographie plus intimiste qui repositionne la grandeur des salles par rapport au travail. Le parcours ne se fait pas par ordre chronologique et surprise, à mi-chemin un film d’animation intitué Mariage qu’Anne-Marie Schneider à réalisé avec une petite équipe d’assistants nous dévoile la personnalité de l’auteur. Sur un fond burlesque se succèdent des animations (objets, dessins), des images de mariée. La musique est entraînante, l’héroïne scande de haute voix à plusieurs reprises qu’elle veut se marier. Cette ritournelle inlassablement répetée nous berce dans une farandole enfiévrée ou carrosses dragées, peluches, se succèdent en rythme endiablé. Une ambiance festive de village en fête, aux allures felliniennes, nous revient en mémoire.
Cette envolée onirique nous renvoie à l’enfance de l’artiste. Avec simplicité, elle nous confie ses manques. « Mes dessins parlent du manque » nous dit-elle, «manque d’un amoureux, manque d’un enfant» au pluriel dans le film, comme ses peluches qu’elles fait tournoyer dans son carrosse de mariée. Au final, une œuvre riche qui parle de l’artiste mais aussi de notre monde en déconfiture, comme une guirlande de cris et de tendresses amoureuses qui s’entrechoquent. A l’évidence, Anne-Marie Schneider puise au plus profond de ses affects pour nous faire voir la vraie vie, celle qui tranche à vif et nous fait vibrer à chaque instant.
Lino Polegato
A voir au MAC’s, jusqu’au 14/01/2018
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